La Hadopi a refait parler d’elle ces dernières semaines. La Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet est une autorité publique indépendante créée par la loi 2009-669 du 12 juin 2009 modifiée par une loi 2009-1311 du 28 octobre 2009 (appelée Hadopi 2), la première mouture de la loi ayant été déclarée partiellement contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Sa mission, fixée à l’article L331-13 du Code de la propriété intellectuelle, est de veiller sur les usages licites et illicites des œuvres sur internet, de promouvoir le développement de l’offre légale et de veiller à la régulation de l’usage des mesures techniques de protection utilisées.

Si certains députés souhaitent voir ses pouvoirs accrus pour en intensifier le caractère dissuasif face à la contrefaçon d’œuvre protégées sur internet, d’autres acteurs souhaiteraient que les pouvoirs de la haute autorité soient amoindris.

Un renforcement potentiel des pouvoirs de la Hadopi ?

C’est tout d’abord une proposition de loi qui a été présentée à l’Assemblée Nationale pour renforcer les pouvoirs de la Haute autorité. La proposition a été déposée par Madame la députée Constance le Grip avant d’être renvoyée à la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Cette commission est notamment compétente sur les questions intéressant la propriété intellectuelle, les activités culturelles et artistiques ainsi que la communication.

Intitulée proposition de loi visant à renforcer les instruments de lutte contre le piratage des œuvres protégées par le droit d’auteur et instituant un dispositif de transaction pénale, cette loi composée d’un article unique vise à renforcer les pouvoirs octroyés à la Haute autorité dans la lutte contre la contrefaçon en ligne.

La réponse graduée est le mode d’action actuel employé par la Hadopi. En cas de constat d’un acte de contrefaçon en ligne, une mise en demeure est adressée à l’internaute concerné. S’il s’avère qu’il les réitère malgré l’avertissement, la Hadopi transmet alors les informations au Procureur de la république qui peut décider des suites judiciaires, pouvant amener à la suspension de l’abonnement internet du contrefacteur. La Hadopi ne peut donc prononcer de sanction mais est chargée de les faire appliquer.

Constatant les faibles aboutissements de la procédure judiciaire, est proposée une amende transactionnelle en cas d’infraction constatée par un agent assermenté d’un montant de 500 euros pour une personne physique et de 2500 euros s’agissant d’une personne morale. Cette mesure vise à décourager le recours au piratage tout en déchargeant l’autorité judiciaire des affaires qui lui sont transmises. Cette proposition reste à suivre.

La Hadopi devant le Conseil constitutionnel

Les pouvoirs de la Haute autorité ont fait l’objet d’une remise en question partielle par la Conseil constitutionnel. Plusieurs entités, dont la Quadrature du Net, association pour la défense des droits et libertés sur internet, ont saisi le conseil d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité de l’une des prérogatives de la Hadopi (mentionnée ci-après) aux droits et libertés garantis par la Constitution.

La décision, intervenue le 20 mai 2020, a censuré une disposition prévue à l’article L331-21 du Code de la propriété intellectuelle, qui permet aux agents assermentés d’obtenir « tous documents, quels qu’en soit le support, y compris les données conservées et traitées par les opérateurs de communications électroniques » dans leur action pour identifier les contrefacteurs, soit toutes les données de connexions des internautes. Ce pouvoir, censuré par le conseil, ne présente pas de garanties suffisantes concernant le droit au respect de la vie privée.

Le Conseil constitutionnel a cependant confirmé que certaines données pouvaient être récoltées par les agents assermentés, servant à identifier les abonnés (identité, adresse postale, électronique et numéro de téléphone). La Hadopi s’est réjouie de cette décision, estimant que le conseil a validé et conforté son fonctionnement, et a insisté sur le fait qu’elle s’était toujours bornée à récolter les données strictement nécessaires à l’identification desdits internautes.

Afin de laisser le temps d’adapter la loi à cette décision, celle-ci est assortie d’un effet différé pour permettre au législateur de supprimer les dispositions litigieuses. L’abrogation immédiate étant susceptible d’entraîner des « conséquences manifestement excessives », ce dernier a jusqu’au 31 décembre 2020 pour mettre en conformité la loi Hadopi 2 avec la Constitution. L’action de la Hadopi devrait rester inchangée.

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Illustration par Tumisu de Pixabay : https://pixabay.com/fr/illustrations/fus%C3%A9e-d%C3%A9marrage-lancement-405543/