À l’ère où les sorties d’appareils électroniques toujours plus évolués se succèdent, la question de l’obsolescence programmée est devenue incontournable. Ce phénomène regroupe un ensemble de pratiques utilisées par les entreprises afin de réduire la durabilité de leurs produits.
L’obsolescence programmée est communément utilisée comme une stratégie marketing pour engendrer une croissance de ventes. Le fait de fixer le prix de réparation du produit équivalent ou supérieur à son remplacement est un exemple d’une telle pratique.
La sanction de l’obsolescence programmée par le biais des pratiques commerciales déloyales
Plusieurs enquêtes ont récemment révélé des pratiques controversées qui consistaient à détériorer délibérément le fonctionnement de produits. Plusieurs acteurs de différents secteurs d’activité sont concernés. L’Italie a notamment condamné Samsung et Apple pour des mises à jour réduisant la performance des smartphones.
Similairement la France a condamné Apple pour les mêmes faits à une amende de 25 millions d’euros pour pratiques commerciales trompeuses par omission. Pourtant, l’article L.213-4-1 au Code de la Consommation incrimine l’obsolescence programmée spécifiquement. Cette pratique est définie dans le texte comme « l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement ». Elle est ainsi punie de 2 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende qui peut être porté à 5% du chiffre d’affaires moyen annuel.
Cependant, force est de constater qu’aucune condamnation n’a jusqu’ici été prononcé au titre de cette disposition. Seule la plainte déposée par l’Association Halte à l’Obsolescence programmée (HOP) contre les entreprises Canon, Brother ou Epson vise cette incrimination explicitement. L’enquête confiée à la DGCCRF est pour le moment encore en cours. La difficulté de mise en œuvre de cette loi est critiquée. Il est effectivement nécessaire de rapporter la preuve d’une double intentionnalité. La proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France déposée en 2021 offre notamment dans son article 6 de simplifier la définition proposée en supprimant la nécessité de démontrer l’intention en vue d’augmenter le taux de renouvellement d’achet. Cette mesure, si adoptée, devrait ainsi faciliter les condamnations au titre de cette disposition.
Une prise de conscience européenne contre ces pratiques
On ne peut plus négliger la dimension environnementale des activités économiques aujourd’hui . En 2019 l’AEME constatait près de 854 906 tonnes déchets d’équipements électroniques et électriques. À l’échelle européenne, cette prise de conscience s’est matérialisée par le plan d’action pour l’économie circulaire de la Commission européenne. Ce plan a pour ambition de « faire des produits durables la norme dans l’Union européenne et lutter contre l’obsolescence prématurée ». Notamment, il vise à donner aux consommateurs le choix en leur donnant accès à des informations telles que la réparabilité et la durabilité du produit.
Le droit à la réparation constitue également une partie essentielle du texte. En France, la loi du 10 février 2020 met en place l’obligation d’indiquer un indice de réparabilité à partir du 1er janvier 2021 et un indice de durabilité en 2024.
L’obsolescence culturelle : Une considération essentielle à la transition écologique des nouvelles technologies
À travers ces initiatives, on constate donc bien des efforts déployés pour basculer vers un modèle de technologies renouvelables. Toutefois, de nombreuses étapes restent à accomplir pour changer les mentalités de consommateurs toujours à l’affût de produits derniers cris. La proposition de loi visant à lutter contre l’obsolescence programmée souligne l’impact de la publicité sur la surconsommation et la culture du jetable. L’article 4 de cette proposition préconise notamment d’interdire « toute forme de publicité ou action de communication commerciale qui inciterait directement ou indirectement à dégrader, abandonner ou remplacer prématurément des produits dont la fonction principale est encore fonctionnelle ». Par exemple, l’HOP a mis en cause la publicité pour le Chromebook de Google car elle incitait les consommateurs à remplacer les ordinateurs défaillants plutôt que de les nettoyer ou de les réparer.
Pour conclure, on peut constater que l’encadrement juridique de l’obsolescence programmée est au cœur des considérations pour une économie verte. La coordination européenne en l’espèce est une avancée considérable. Toutefois, il appartiendra aux individus de repenser leurs habitudes de consommation afin d’adopter une approche responsable
Sources
- Directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales
- Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte
- Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire
- Proposition de loi nº 4054 du 7 avril 2021 visant à lutter contre l’obsolescence programmée
- « Planned Obsolescence challenging the Effectiveness of Consumer Law and the Achievement of a Sustainable Economy : The Apple and Samsung Cases » d’Alberto de Franceschi
- Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (2020). Transaction avec le groupe APPLE pour pratique commerciale trompeuses
- Rapport annuel du registre des déchets d’équipements électriques et électroniques, ADEME, données 2019.
- https://www.halteobsolescence.org/obsolescence-culturelle-hop-depose-plainte-contre-la-publicite-chromebook/
- Publicité « Changez pour Chromebook » :