Deux villes de Provence-Alpes-Côte d’Azur (ci-après PACA), Marseille ainsi que Nice, ont souhaité mettre en place des dispositifs de reconnaissance faciale auprès de deux lycées à titre expérimental. Le conseil régional a acté, le 14 décembre 2018, le recours à ce dispositif. Pour accéder à leurs établissements, les lycéens – dont le consentement a été obtenu pour le recours à la reconnaissance faciale – devaient franchir un portique pour contrôler les accès et limiter les risques d’usurpation d’identité.

 Le projet n’a toutefois pas été soutenu par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après CNIL) et a été rejeté par les juges administratifs.

Les réticences de la CNIL à l’égard du projet

La CNIL a rendu public son avis le 29 octobre 2019 sur cette expérimentation en France après avoir été saisie par la région PACA. Elle n’est pas favorable à l’utilisation de technologies de reconnaissance faciale dans le cas présent, qu’elle n’estime « ni nécessaire, ni proportionnée » pour la finalité en cause (contrôler les accès d’élèves -mineurs pour la plupart- pour qu’ils soient mieux organisés et plus sûrs).

Pour la CNIL, ce système n’est pas conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD) à plusieurs titres. Les objectifs poursuivis (fluidifier la circulation des lycéens et garantir leur sécurité) peuvent en effet être atteints par d’autres moyens moins intrusifs et moins attentatoires aux libertés et à la vie privée. En outre les données (biométriques) traitées pour atteindre ce but font parties des données sensibles puisqu’elles permettent d’identifier une personne de manière unique. Leur traitement est interdit par principe, mais il est possible de l’opérer sous certaines conditions. A défaut, leur utilisation tout comme leur recueil sont interdits.

La CNIL a par ailleurs, le mois suivant, souhaité relancer le débat sur la reconnaissance faciale pour qu’elle soit davantage comprise et encadrée. Malgré cet avis défavorable, la région PACA a continué le projet de reconnaissance faciale. Cependant, plusieurs organisations de défense des droits ont contesté la délibération de la région en justice.

La contestation du projet de reconnaissance faciale devant le juge administratif

Un recours en excès de pouvoir a été exercé à l’encontre de la délibération du conseil régional de PACA, qui avait décidé des portiques de reconnaissance faciale. Cette délibération a été annulée par le tribunal administratif de Marseille le 27 février 2020.

L’un des points contestés étaient le consentement des personnes soumises au dispositif. Le tribunal a rappelé que les données de reconnaissance faciales ont la qualité de données biométriques, ce qui rend par principe leur traitement interdit, sauf à recevoir le consentement exprès des individus. Ce consentement avait été recueilli par signature des parents des élèves concernés pour mettre en place le système de reconnaissance, et constituait la base légale du traitement.

Néanmoins, pour les juges, cette signature à elle seule ne représente pas une « garantie suffisante à l’obtention d’un consentement libre et éclairé », les élèves étant en outre placés dans une relation d’autorité face à leurs établissements scolaires. Les finalités de traitement poursuivies sont quant à elles insuffisantes, puisqu’il est possible de mettre en place des mesures moins attentatoires pour les lycéens comme la mise en place d’un système de badge qui peut se combiner avec le recours à la vidéosurveillance sous certaines conditions.

De plus, c’est aussi une question de compétences du conseil régional qui est en cause. Le dispositif de surveillance a été décidé par la région, là où l’initiative appartient, selon l’article R421-10 du Code de l’éducation, au chef d’établissement. Le recours en excès de pouvoir est donc confirmé sur ces points. Les juges administratifs, tout comme la CNIL, mettent en avant une disproportion de la mesure. La région ne justifie pas que des moyens moins coercitifs (soumettre l’accès à l’établissement à un badge) soient efficaces pour le but poursuivi (fluidifier et sécuriser les accès), ni que ce but possède un intérêt public.

Le recours en excès de pouvoir est donc confirmé sur ces points. Les juges administratifs, tout comme la CNIL, mettent en avant une disproportion de la mesure. La région ne justifie pas que des moyens moins coercitifs (soumettre l’accès à l’établissement à un badge) soient efficaces pour le but poursuivi (fluidifier et sécuriser les accès), ni que ce but possède un intérêt public.

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Illustration par Teguhjati Pras de Pixabay : https://pixabay.com/fr/illustrations/plat-reconnaissance-soin-du-visage-3252983/