La validation de l’article 57 de loi 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 révèle un Conseil Constitutionnel peu soucieux de la vie privée des internautes ?
Le 27 décembre 2019 le Conseil Constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité des dispositions qui lui ont été soumises portant sur la loi de finances pour 2020 visant à lutter contre la fraude fiscale. La haute juridiction a jugé conforme à la Constitution l’essentiel de ses dispositions parmi lesquelles son article 57 que certains perçoivent comme une atteinte à la démocratie.
Article 57
Selon l’avis fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république par M. Philippe LATOMBE, cet article 57 vise en effet : « à compléter les outils d’investigation à la disposition des administrations fiscale et douanière dans le domaine de la lutte contre la fraude en leur donnant la possibilité, à titre expérimental, d’analyser les données personnelles, publiques, des personnes figurant sur les plateformes de partage en ligne afin d’y détecter des suspicions d’activités illicites et de lancer des contrôles ciblés ».
Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances, et Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, ont salué la décision du Conseil Constitutionnel qui a validé cette mesure qui permet la collecte et l’exploitation par les administrations fiscales de données publiées sur les plateformes en ligne à des fins de détection de fraudes fiscales.
Décision
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2019-796 DC du 27 décembre 2019, au considérant 93 de sa décision, a en effet estimé que le législateur a : « assorti le dispositif critiqué de garanties propres à assurer, entre le droit au respect de la vie privée et l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, une conciliation qui n’est pas déséquilibrée ».
Cependant cet argument n’est pas à l’abri de tout…
Critique
Les nouveaux moyens de lutte contre la fraude fiscale mais aussi douanière, qui permettent l’emploi de dispositifs informatisés et automatisés d’exploration de données personnelles rendues publiques sur internet, sont en effet vus comme créant un risque pour les utilisateurs de ces services de plateformes en ligne (quelques exemples : Facebook, Twitter, LinkedIn, Viadeo, Youtube, Dailymotion, Airbnb, eBay, PriceMinister).
Les internautes peuvent en effet peut-être percevoir utilisation de réseaux sociaux comme leur faisant courir un risque, ce qui préjudiciable pour les libertés fondamentales.
Par conséquent, il n’est pas anodin de soupçonner que ces moyens ne sont pas en parfaite conformité tant avec l’exercice de la liberté d’expression et de communication des citoyens qu’avec la liberté du commerce et de l’industrie des plateformes, qui vont voir une vague de désinscription et une diminution de leur nombre d’utilisateurs.
Données sensibles
Ce dispositif expérimental de trois ans, ne prévoit pas en principe le traitement des données sensibles, telles que sur l’origine raciale, les opinions politiques, la santé, l’orientation sexuelles, les convictions religieuses d’une personne.
Toutefois, en l’état de la science et de la technique, il ne peut pas être garanti que les administrations précitées appliqueront des algorithmes suffisamment fiables, transparents et éthiques qui vont exclure de leur traitement les données précitées.
Il en résulte un doute légitime quant à la proportionnalité de ces mesures au but poursuivi et une possible violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée) de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Da la même manière, une crainte apparaît quant à l’effectivité de la possibilité offerte aux internautes de rectifier et effacer des données collectées, selon les articles 50, 51 et 53 de cette même loi.
Une autre question par rapport à l’article 57 se pose également du fait de l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans la mesure où toutes les risques et dérives de cet outil n’ont pas été mesurés.
Autant de questions épineuses sans réponses satisfaisantes pour l’instant…
Publié le 29 février 2020 par Mihaela Castrubin
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Sources
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2019796DC.htm